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    Auteur d'un article consacré au CD enregistré par Michaël Sebaoun, et publié dans le numéro de septembre 2012 de la revue Euterpe, Ludovic Florin a autorisé l'association Minstrels à diffuser ce texte.

Michaël Sebaoun « Œuvres pour piano »
Michaël Sebaoun, Pierre Froment (piano)
1 CD Forgotten Records (fr 11S)
http://forgottenrecords.com/

Voilà un disque qui ne donne pas dans le tape-à-l'œil – c'est le moins que l'on puisse affirmer ! En effet, les œuvres pour piano de Michaël Sebaoun s'inscrivent dans cette esthétique du fragment qui, née avec le romantisme, semble trouver chez certains compositeurs post-modernes – dont Michaël Sebaoun – une vigueur nouvelle. Tout est sobre dans ce disque : pas de développements inutiles, de complications tournant aux verbiages, point d'excès d'intention. Le conditionnement du disque reflète d'ailleurs cette esthétique : minimaliste, avec juste l'essentiel, telle cette très brève mais fort intéressante interview incluse dans le livret qui fournit quelques éléments-clés pour aborder l'écoute de la musique. Michaël Sebaoun se positionne en compositeur néo-tonal et cite notamment comme sources d'influences Ravel, Messiaen, Takemitsu. Tout cela est effectivement parfaitement perceptible à l'audition. Mais si son Poème I (1999) évoque ici ou là Szymanowski ou un imaginaire « Scriabine angélique », dans ses 16 préludes (2001-2011), on pense aussi à un Rachmaninov qui se serait « mis à jour » (prélude n° 4 par exemple) ou au Poulenc tendance « moine » (prélude n° 8). Précisons toutefois que Michaël Sebaoun possède une voix bien à lui, la chronologie des compositions nous confortant même dans l'idée que sa personnalité affirme toujours plus son caractère, comme au début de sa pièce la plus récente, Poème II (2011), où l'harmonie et la ligne mélodique n'évoquent personne d'autre que Michaël Sebaoun. Clé de voûte de l'album, les Préludes s'apparentent à une perpétuelle déclinaison d'une même intention. S'il fallait faire une analogie avec la peinture, on pourrait présenter ces seize pièces comme autant de nuances de gris (l'allusion au dernier Liszt n'étant pas anodine ici), une couleur sans brillance enfiévrée mais possédant une palette infinie de teintes. On pense alors à une version septentrionale des Música Callada de Mompou. En effet, il s'agit presque d'une musique à jouer pour soi, du moins à écouter entre soi (entre l'auditeur et le compositeur-interprète). Les Quatre pièces faciles (2005, publiées chez Delatour France) auraient d'ailleurs pu intégrer les seize Préludes, puisque leur ton général, bien que plus léger, n'en est pas moins mélancolique. Cependant, pour entrer de façon encore plus immédiate dans le monde sonore de Michaël Sebaoun, c'est sans doute vers ses Variations sur un thème de Paganini (1998) pour piano à quatre mains qu'il faudrait se tourner. Bien plus modestes (en tout cas écrites avec humilité) que celles de Lutoslawski (pour deux pianos et datant de 1941), ces Variations n'ont pas à rougir de la comparaison. Sans prétention, leur architecture est très bien réalisée, en une progression idéale.
A l'initiative de ce projet, c'est au mélomane Jean-Michel Sueur  que revient l'idée de faire enregistrer toutes ces pièces par le compositeur lui-même. Si les compositeurs ne sont pas toujours les meilleurs avocats de leurs œuvres (songeons à Ravel par exemple), leurs interprétations sont cependant toujours d'un très grand intérêt. Michaël Sebaoun s'avère dans cet enregistrement un pianiste de bon niveau. Il sait parfaitement faire ressortir les plans sonores, possède une palette dynamique certes limitée mais d'une grande subtilité. Et surtout, il sait faire chanter son piano, magnifiant ainsi ses œuvres dont la dimension mélodique est centrale. Au final, ce disque monographique s'avère essentiel pour compléter le paysage des compositeurs français contemporains.
Ludovic Florin.


Date de mise à jour du site : Friday, December 9, 2016 Copyright © 2012. Tous droits réservés.