Préludes pour piano

Les Préludes ne forment pas un cycle mais trouvent leur unité dans l'exploration d'une inquiétude profonde, qui ne semble pas liée à des événements particuliers, une inquiétude plus essentielle, métaphysique peut-être. Variations sur un même thème spirituel, ils trouvent chacun leur identité grâce aux inépuisables subtilités du propos, et le message, quel qu'il soit, et si grave soit-il, ne limite jamais la libre déambulation sur le clavier, au gré de la belle sonorité et de l'imagination plastique.
Les couleurs, souvent sombres, s'avèrent d'une surprenante richesse, comme si le musicien voyait les transparences de l'ombre et les nuances de l'obscur où d'autres n'auraient perçu qu'uniforme opacité. Des miroitements, de fugaces irisations, de brefs éclats de lumière, de fines variations de la texture sollicitent l'oreille et l'esprit; l'auditeur découvre un paysage en constant renouvellement, des reliefs surprenants, des détours inattendus. Un univers se déploie, dont on ne soupçonnait pas l'existence. Rien de plus mobile, de plus changeant, de plus foisonnant que ces Préludes qui explorent des terrains sonores et psychologiques voisins, mais en rapportent, chacun, un message particulier.
Avec leur densité expressive, ces Préludes semblent renouer avec l'esthétique de Louis et François Couperin. Comme l'art des Couperin, celui de Michaël Sebaoun use de l'allusif et du réticent, de la rétraction d'une surface qui laisse entrevoir l'insondable, de l'alliance du logique avec l'ondoyant, de la rigueur du propos et de la fantaisie vagabonde, se plaisant à la magie des sonorités comme à l'ensorcellement des courbes.
Vaste espace intérieur et riches espaces sonores livrés dans l'espace restreint de pièces brèves, tel était le paradoxe des Couperin, que Michaël Sebaoun fait renaître dans ses Préludes.

Jean-Michel Sueur pour Minstrels. 2012.